Obligeant les dirigeants à s’interroger sur leur process et système de facturation, la facturation électronique constitue un changement majeur pour les entreprises. Quelles en sont les implications, comment s’y préparer ? Pour répondre aux questions les plus fréquentes de nos clients, nous avons fait appel à Rudy Rousseau et Thomas Vatinel, deux experts-comptables associés qui font partie du groupe de travail ORCOM sur la facturation électronique. Initialement prévue au 1er juillet 2024, l’obligation pour les entreprises établies en France d’émettre et de recevoir des factures électroniques est reportée à une date qui sera décidée dans le cadre de la loi de finances pour 2024.
Article mis à jour le 14 novembre 2023
Facturation électronique : rappel du contexte
L’ordonnance n°2021-1190 du 15 septembre 2021 a introduit l’obligation progressive d’émettre électroniquement les factures pour les échanges B to B. Il ne faut pas confondre facture dématérialisée et facture électronique. La facture électronique doit être émise, transmise et reçue dans un format électronique structuré permettant son traitement automatique. Plusieurs formats de facture électronique existent, mais la facture X semble s’imposer comme le format référence. Elle est la combinaison d’un fichier PDF lisible par l’homme et d’un fichier XML exploitable par la machine.
Le calendrier initial qui actait de l’obligation de réception de la facture électronique pour toutes les entreprises à compter du 1er juillet 2024 a été reporté. Annoncé dans le communiqué de presse du 28 juillet 2023 le report du calendrier de déploiement de la généralisation de la facturation électronique entre entreprises s’appliquera en deux temps à partir de 2026 :
- 1er septembre 2026 pour les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire
- 1er septembre 2027 pour les petites et moyennes entreprises et les microentreprises.
1 – Est-ce que toutes les sociétés sont concernées par la facturation électronique ?
[Rudy Rousseau] La facturation électronique est destinée à toutes les entreprises assujetties à la TVA qui exercent une activité économique au sens de l’article 256 A du CGI.
Ainsi les entreprises bénéficiant de la franchise de base de TVA sont assujetties même si elles sont non redevables compte tenu de leurs volumes d’activités. Elles rentrent donc dans le champ d’application de la facturation électronique en tant que assujetties à la TVA.
A contrario, les entreprises réalisant exclusivement des opérations exonérées de TVA au titre des articles 261 et 261 E du CGI sont exclues du champ d’application de la facturation électronique (activité de santé, d’enseignement…).
2 – Est-ce que les factures émises aux particuliers sont concernées ?
[Rudy Rousseau] L’émission de factures électroniques concerne seulement les échanges B to B (entre assujettis à la TVA), c’est ce que l’on appelle « e-invoicing ». Les échanges entre une entreprise et un particulier (B to C) entrent dans le champ d’application de l’obligation de transmission des données de transaction appelée « e-reporting ».
Le « e-reporting » permet de transmettre à l’administration certaines informations relatives à des opérations non concernées par la facturation électronique listée à l’article 290 du CGI. Le contenu du « e-reporting » varie en fonction du type de transaction à déclarer, on peut citer en exemple la transmission des données de paiements relative aux prestations de services. Il permettra à l’administration d’identifier et de retracer toutes les transactions.
3 – Est-ce que la société devra toujours faire ses déclarations de TVA ?
[Rudy Rousseau] Les déclarations de TVA devront toujours être déposées dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui, soit pour le régime réel au mois ou au trimestre soit pour le régime simplifié annuellement. Dans l’avenir, l’objectif de l’administration est le pré-remplissage de la déclaration de TVA au même titre que la déclaration d’impôts sur les revenus. Cependant cette évolution devra s’accompagner d’un contrôle afin de se prévaloir de tout risque d’erreur.
4 – Comment cela se passe-t-il pour la facturation d’une entreprise étrangère ?
[Thomas Vatinel] L’émission de factures électroniques concerne seulement les échanges entre assujettis à la TVA ce qui n’est pas le cas des entreprises étrangères. En conséquence, la facturation à une société étrangère n’est pas concernée par les obligations liées à la facturation électronique. En revanche, les échanges avec une entreprise étrangère sont concernées par l’obligation de transmission des données de transaction appelée « e-reporting ». Le « e-reporting » est la transmission à l’administration fiscale d’informations relatives à des opérations n’entrant pas dans le champ de la facturation électronique. Il s’agit par exemple du montant de l’opération ou de la TVA facturée dans une transaction avec un particulier ou avec un partenaire étranger.
5 – Est ce qu’il sera toujours possible d’éditer une facture papier pour le client ?
[Thomas Vatinel] Au-delà de la facture électronique, l’entreprise doit être en mesure de fournir à son client ou à l’administration fiscale une facture « lisible », qui peut être sur format papier, conformément à l’article 289-V du Code général des impôts.
Cet article prévoit également en conséquence l’obligation pour les plateformes de dématérialisation de transmettre une facture lisible à l’entreprise et à son client.
Compte tenu de cette obligation de pouvoir transmettre une facture lisible, les entreprises devront pouvoir éditer une facture papier pour leurs clients.
6 – Quelle sanction encourt-on ?
[Rudy Rousseau] Une amende forfaitaire de 15 € par facture non émise électroniquement est prévue avec un plafond par année civile de 15 000 €.
Concernant l’obligation d’e-reporting, l’administration a prévu une amende forfaitaire de 250 € par transmission manquante plafonnée à 15 000 € par année civile.
L’administration a toutefois précisé que la première infraction ne sera pas sanctionnée.
7 – Qu’est-ce qu’une plateforme de dématérialisation et à quoi ça sert ?
[Thomas Vatinel] Les PDP ou plateformes de dématérialisation partenaire devront faire l’objet d’une immatriculation par l’administration fiscale.
Outre les fonctionnalités de bases attendues que sont la transmission des factures électroniques et des données de la facture, de transactions et de paiement, ces plateformes pourront proposer d’autres services supplémentaires.
Enfin, elles devront être connectées au portail public de facturation. Ces plateformes seront éditées par des acteurs du secteur privé et seront payantes.
8 – Qu’est-ce que les OD / Opérateurs de dématérialisation ?
[Thomas Vatinel] Contrairement aux PDP, les opérateurs de dématérialisation n’auront pas la possibilité de distribuer les factures entre les entreprises et n’auront donc pas besoin d’être immatriculés.
Il s’agit plus largement des outils informatiques travaillant sur des données relatives aux transactions commerciales comme les logiciels de comptabilité, de facturation ou de caisse.
Ces outils permettront d’émettre ou de recevoir des factures de manière indirecte via les plateformes ainsi que les données de transaction.
Ils devront nécessairement s’interfacer avec une plateforme pour pouvoir exister.
9 – Qu’est-ce que le PPF – Portail public de facturation ?
[Thomas Vatinel] Le portail public de facturation ou PPF est l’évolution du portail Chorus Pro utilisée actuellement pour les relations B2G.
Son rôle sera strictement limité aux fonctionnalités de bases attendues, à savoir la transmission des factures électroniques et des données de la facture, de transactions et de paiement. Son utilisation sera gratuite.
Au-delà, pour l’administration fiscale, il concentrera l’ensemble des flux déclaratifs des transactions commerciales et il stockera l’annuaire indiquant la plateforme choisie par chaque entreprise.
10 – Est-ce que le choix d’une plateforme est obligatoire ?
[Thomas Vatinel] Dans le cadre de la mise en place de la facture électronique, les entreprises concernées devront nécessairement recourir aux services d’une plateforme de dématérialisation pour émettre et recevoir leurs factures électroniques et également pour adresser les données de facturation et de paiement à l’administration.
Les entreprises devront ainsi choisir entre les plateformes de dématérialisation partenaires et le portail public de facturation.
Le choix de la plateforme sera notamment guidé par les services offerts en fonction des attentes des entreprises et de leur organisation.
➔ Ce qu’il faut retenir
Une facture de vente adressée à un client professionnel devra obligatoirement être envoyée par l’intermédiaire d’une plateforme de dématérialisation partenaire certifiée (PDP) ou via le portail public de facturation (PPF) à condition que l’entreprise soit en mesure d’émettre en interne des factures électroniques. Ainsi aucune transaction ne pourra être effectuée sans passer préalablement par une plateforme. Selon le calendrier de l’administration, les plateformes certifiées par Bercy seront connues au cours du second semestre 2023.
Traitant et analysant en permanence des documents comptables, étant au plus près des décisions et des évolutions réglementaires, votre expert-comptable est l’interlocuteur à privilégier pour analyser votre situation, les incidences de la réforme et vous accompagner dans le choix de la solution technique. Chez ORCOM, nous avons mis en place un groupe de travail dédié à la facturation électronique pour vous proposer une solution technique et de service globale, sécurisée et évolutive de manière à vous permettre d’anticiper cette transition et de digitaliser votre facturation plus sereinement.