Le redémarrage de l’économie passe par la gestion et le financement du besoin en fonds de roulement qui pèse lourd sur la trésorerie. Quelle stratégie mettre en place et avec quelles solutions ?
Guillaume Monier, expert-comptable dirigeant ORCOM Paris revient sur les points de vigilance.
[ORCOM] Le financement des besoins en fonds de roulement sont encore dopés par les mesures gouvernementales. Mais comment préparer le retour à une activité sans assistance ?
[Guillaume Monier] Comme toujours dans des périodes de crise, les entreprises se réinventent en profondeur et ce phénomène est parfaitement visible en France comme à l’international. C’est un signe encourageant. Quelle que soit la situation de l’entreprise, il y a urgence à mener une réflexion sur les conditions d’exercice de son activité : besoins en trésorerie bien sûr, mais pas uniquement. Restructuration de l’organigramme juridique, gestion des ressources humaines, gestion du poste clients, maîtrise des stocks, contrôle des process achat … sont autant de thématiques à optimiser. Pour valider qu’un modèle économique correspond à la norme, je conseille à mes clients de comparer leurs ratios de besoin en fonds de roulement avec ceux de leur secteur d’activité et de mesurer leur évolution dans le temps.
[ORCOM] La question de la trésorerie reste centrale. Comment la traitez-vous ?
[Guillaume Monier] Les enjeux de la gestion de trésorerie dans une PME n’ont rien de nouveau pour un expert-comptable. Il faut en qualifier les composantes essentielles et appréhender ses évolutions pour adopter une stratégie adaptée : analyser les grands équilibres du bilan et du compte de résultat, comprendre le cycle de trésorerie de son entreprise, apprécier les flux d’exploitation, d’investissement et de financement qui peuvent l’impacter… Puis anticiper les solutions et les besoins.
Le suivi pluriannuel de la composition de sa trésorerie est indispensable pour mettre en œuvre une stratégie pertinente à court terme sur le bas de bilan et à long terme sur le haut de bilan. Le premier conseil sera d’avoir un plan de trésorerie à jour et de s’y fier pour anticiper et mettre en place les mesures, sur 12 ou 18 mois. Ce plan pourra permettre d’apprécier l’opportunité de repousser ou pas le remboursement d’un PGE ou d’en souscrire un nouveau. Le PGE restant une mesure phare pour les entreprises, d’autres dispositifs existent en cas de difficultés d’obtention : Fonds de Développement Economique et Social, prêts bonifiés et avances remboursables, financements d’affacturage dès la prise de commande. On pourra aussi, en complément, déclencher d’autres dispositifs comme le carry back par exemple : les entreprises en difficulté en 2020 ayant payé des impôts sur les sociétés en 2019 peuvent, par dérogation, demander le remboursement des créances d’IS à l’Administration fiscale dès le lendemain de la clôture de l’exercice.
[ORCOM] Quelles sont vos recommandations par rapport au remboursement du PGE ?
[Guillaume Monier] Les entreprises peuvent contracter un prêt PGE jusqu’au 30 Juin 2021. Sa durée est de 6 ans et il convient de rester prudent quant à son dénouement : remboursement total, partiel, report en 2022 ou plan de remboursement sur 5 ans… Il est indispensable d’apprécier les futures mensualités à rembourser au regard de la capacité d’autofinancement de l’entreprise. Cette décision sera fondée sur l’analyse de la situation comptable intermédiaire, des tableaux de bord, du plan de trésorerie et du budget. Dans la plupart des cas, repousser le remboursement du PGE devrait permettre d’engranger de la trésorerie propre à améliorer le financement du besoin en fonds de roulement et à envisager un remboursement dans de meilleures conditions. Il convient de rester cependant vigilant sur l’impact de la décision prise vis-à-vis de la relation bancaire.
[ORCOM] Comment maintenir un bilan solide dans ce contexte ?
[Guillaume Monier] Pour les établissements financiers, la vigilance reste de mise et l’appréciation des entreprises s’examine à la lumière des situations comptables intermédiaires et des bilans. Les entreprises qui disposent d’immeubles, de flottes de véhicules, de chaînes de production… doivent s’interroger sur la pertinence de réévaluer leurs actifs, d’autant que cette opération bénéficie d’un régime fiscal attractif. Les secteurs de l’industrie, du bâtiment ou du transport sont donc particulièrement concernés. Par ailleurs, un actif immobilier peut également être cédé puis loué, via le lease back : la trésorerie dégagée est immédiatement disponible, les impôts générés par les plus-values occasionnées seront échelonnés.
[ORCOM] Les ressources humaines sont aussi particulièrement impactées…
[Guillaume Monier] Gérer ses ressources humaines, c’est aussi anticiper les conséquences de sa stratégie sur la bonne gestion RH de l’entreprise. La période est particulièrement critique et le dirigeant doit rester, plus que jamais attentif et proactif sur ces enjeux : réaffirmer sa position de leader, partager sa stratégie et faire adhérer ses équipes. L’entretien professionnel constitue à ce titre, un moment privilégié pour faire connaître sa vision, ses projets… A formaliser pour être au plus près de ses collaborateurs, les faire grandir, les faire évoluer et les accompagner dans le changement.