Les textes applicables à l’exercice en société des professions libérales sont sur le point d’être refondus. Une ordonnance parue le 8 février 2023 a uniformisé la réglementation applicable aux dites professions, devenue éparse au fil des nombreuses réformes. Cette ordonnance entrera en vigueur le 1er septembre 2024.
En plus de mettre fin à cet éparpillement législatif, l’ordonnance apportera son lot de nouveautés concernant l’exercice en société des professions libérales.
Voici un rapide panorama des mesures phares de cette ordonnance :
Catégorisation des activités
Les professions libérales seront désormais regroupées au sein de trois grandes familles d’activités.
La famille des professions de santé regroupe les professions médicales et autres professions de santé (médecin, chirurgien-dentiste, biologistes médicaux, pharmaciens ou les infirmiers, …).
La famille des professions juridiques ou judiciaires est une famille relativement étendue, dont la liste sera précisée par décret. Néanmoins, devraient au moins y figurer les avocats, notaires, administrateurs ou mandataires judiciaires ainsi que les commissaires de justice. Il faudra cependant attendre un décret pour prendre la mesure de l’étendue de cette famille d’activité.
Enfin, la famille des « professions techniques et du cadre de vie » réunira les autres professions libérales réglementées (notamment les experts-comptables, commissaires aux comptes ou encore les architectes et géomètres-experts).
Notion de « professionnel exerçant »
L’ordonnance fait référence à plusieurs reprises à la notion de « professionnel exerçant » dans le corps de ses dispositions. Pour la bonne compréhension de tous, l’ordonnance définit la notion de « professionnel exerçant » comme suit : « on entend par professionnel exerçant la personne physique ayant qualité pour exercer sa profession ou son ministère, enregistré en France conformément aux textes qui réglementent la profession, et qui réalise de façon indépendante des actes relevant de sa profession ou de son ministère ».
Trois critères se dégagent concernant la notion de « professionnel exerçant » : ce dernier doit être une personne physique, avoir la qualification nécessaire à l’exercice de l’activité (diplôme, inscription à l’Ordre ou sur la liste professionnelle concernée) et exercer effectivement la profession en toute indépendance.
Ainsi, la réalisation d’actes de gestion ne confère pas la qualité de « professionnel exerçant ». Cette notion se retrouve dans de nombreuses dispositions de l’ordonnance comme, par exemple, celles relatives à la composition du capital d’une SEL, ou encore à l’agrément des cessions de parts ou d’actions.
En revanche, la qualité de « professionnel exerçant » n’est, à la lettre du texte, pas requise pour exercer des fonctions de mandataire social de la société. Ainsi la possibilité pour une personne morale d’exercer des fonctions de mandataire social demeurera possible dans les sociétés où cela est permis, sous réserve que cette personne morale exerce son activité au sein de ladite SEL.
Le retrait d’associé autorisé
La Cour de cassation avait écarté, à défaut de dispositions réglementaires spécifiques, la possibilité pour l’associé d’une SEL de se retirer de la société unilatéralement ou d’obtenir qu’une décision de justice autorise ce retrait, peu importe l’existence de dispositions statutaires en ce sens.
L’ordonnance autorise désormais le retrait de l’associé d’une SEL, dès lors que des modalités de retrait auront été expressément prévues par les statuts. Il est toutefois important de préciser que les dispositions réglementaires propres à chaque type de professions libérales réglementées primeront sur les dispositions statutaires.
Maintien de la possibilité de créer des sociétés de droit commun pour les professionnels du droit
Depuis la loi MACRON du 6 août 2015, certains professionnels du droit peuvent exercer leur activité par le biais d’une société de droit commun (SARL, SAS, SA…).
À la suite de l’ordonnance, les professionnels du droit pourront toujours constituer des sociétés de droit commun mais le régime de ces dernières sera aligné sur celui des SEL. Une telle harmonisation pourrait limiter l’intérêt pour ces derniers à constituer une SARL ou une SAS plutôt qu’une SEL.
Renforcement des obligations de communication aux autorités professionnelles
L’obligation de communication des SEL auprès des autorités ou ordres professionnels dont elles dépendent est étendue. Jusqu’alors, en cours de vie sociale, seul un état de la composition du capital devait être communiqué, à raison d’une fois par an.
Désormais, les SEL devront également communiquer un état des droits de vote, une version à jour des statuts et « les conventions contenant des clauses portant sur l’organisation et les pouvoirs des organes de direction, d’administration ou de surveillance ayant fait l’objet d’une modification au cours de l’exercice écoulé ».
Cette nouvelle obligation d’information s’inscrit dans le cadre de la mission de contrôle qu’exercent les instances ordinales sur les SEL.
Modification du régime des SPFPL
La sphère d’activité des SPFPL a été précisée. Les SPFPL pourront désormais officiellement détenir des titres de sociétés civiles pour acquérir et administrer des immeubles par exemple. Néanmoins, cette extension d’activité doit toujours être en lien avec le fonctionnement des sociétés dans lesquelles les SPFPL détiennent des participations.
L’obligation de communication aux autorités et ordres professionnels pour les SPFPL est alignée sur celle prévue pour les SEL par l’ordonnance.
Les règles de gouvernance sont durcies : les dirigeants et mandataires sociaux des SPFPL devront avoir la qualité de « professionnel exerçant », et devront ainsi exercer leur activité au sein des sociétés détenues par la SPFPL.
Les règles de composition du capital des SPFPL « pluriprofessionnelles » sont alignées sur celles en vigueur pour toutes les SPFPL.
Attention : des décrets d’application viendront compléter les dispositions de l’ordonnance qui le nécessitent. Bon nombre de mesures doivent en effet être complétées ou précisées pour pouvoir être concrètement appréciées. Ce n’est qu’après la parution de ces décrets qu’il sera possible d’appréhender la réforme dans sa globalité.
Les SEL, les SPFPL et les sociétés de droit commun concernées par l’ordonnance disposeront d’un délai d’un an pour se mettre en conformité avec les nouvelles mesures.
ORCOM se tient à votre disposition pour vous accompagner dans cette démarche.