La loi « Marché du travail » du 21 décembre 2022 et son décret d’application du 17 avril 2023 sont venus modifier le régime de l’abandon de poste. Le Code du travail prévoit désormais que le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail, après avoir été mis en demeure de le faire, est présumé démissionnaire. La présomption de démission devient-elle la règle ?
Avant l’entrée en vigueur de la loi, lorsqu’un salarié était absent à son poste sans produire de justificatif, la seule solution qui s’offrait à l’employeur était d’engager une procédure de licenciement pour faute après l’avoir préalablement mis en demeure de justifier son absence ou de reprendre son travail. En effet, l’abandon de poste ne caractérisait pas une démission en l’absence de volonté claire et non équivoque du salarié de rompre le contrat. En conséquence, il revenait à l’employeur de prendre l’initiative de la rupture par le biais d’une procédure de licenciement.
Or, depuis le 17 avril 2023, en cas d’abandon de poste volontaire du salarié, la présomption de démission est instituée. Le salarié qui abandonne volontairement son poste peut être présumé démissionnaire sous réserve pour l’employeur d’avoir préalablement respecté une procédure spécifique.
La procédure en cas de présomption de démission
L’employeur est tenu de mettre en demeure le salarié de reprendre son poste ou de justifier son absence par lettre recommandée avec accusé de réception (ou, précise la loi, par remise en main propre).
À compter de la première présentation de la lettre recommandée, le salarié dispose, a minima, d’un délai de 15 jours calendaires pour reprendre son poste ou apporter un justificatif valable pour son absence. Au terme de ce délai, le salarié est présumé démissionnaire au sens de la loi.
Si vous envisagez d’avoir recours à la présomption de démission, il convient de :
- demander au salarié la raison de son absence afin d’en recueillir la justification éventuelle ;
- lui préciser les conséquences de sa non réponse : il sera présumé démissionnaire et ne pourra prétendre ni à une indemnisation chômage ni à la portabilité des garanties de santé et prévoyance (sous réserve de l’appréciation de l’organisme assureur) ;
- puisqu’il s’agit d’une démission, rappeler l’existence et la durée du préavis et lui demander de venir l’exécuter, et surtout de ne pas l’en dispenser sinon il conviendra de lui rémunérer ;
- penser à lever la clause de non-concurrence éventuelle.
Cette présomption a des conséquences importantes pour le salarié puisqu’il est privé du bénéfice des allocations chômage. Il existe ainsi un risque important de contestation.
Quid du licenciement pour faute ?
Alors que les textes ne privent pas expressément l’employeur de la possibilité d’opter pour un licenciement pour faute, le ministère du travail avait initialement publié un « Question-Réponse » – retiré depuis – énonçant que l’employeur « n’a plus vocation à engager une procédure de licenciement pour faute en présence d’un abandon de poste ».
Le décret et le « Question-Réponse » font actuellement l’objet de plusieurs recours devant le Conseil d’État. Ainsi, le licenciement pour faute grave au titre d’un abandon de poste apparait toujours possible à ce jour… même si la prudence reste de mise.
En tout état de cause, il est recommandé de motiver le licenciement par l’abandon de poste mais aussi par l’absence injustifiée et de détailler précisément pourquoi l’abandon est fautif et grave notamment au regard de ses conséquences (par exemple en détaillant l’impact sur la production, une désorganisation de l’activité, un préjudice financier…).
Nul doute que la procédure de présomption de démission fera encore l’objet de débats dans les prochains mois et l’on peut regretter l’insécurité juridique qu’elle crée pour les employeurs. Face à une situation d’abandon de poste, nous ne pouvons donc que vous recommander de bien analyser la situation et de ne pas agir dans la précipitation. Notre département droit social est à votre disposition pour vous accompagner.