Le travail à distance est devenu un moyen de réinventer l’organisation du travail au sein des entreprises et d’offrir une flexibilité permettant de mieux s’adapter à un contexte de mondialisation et mobilité. Pour autant, la pratique du télétravail depuis l’étranger doit s’opérer en toute connaissance de cause. Le point avec Maurizia Carletti, juriste en droit social pour ORCOM International.
Un employeur en France peut-il faire télétravailler ses salariés à l’étranger ?
[Maurizia Carletti] Aucun texte n’interdit qu’un salarié dont l’entreprise est située en France travaille à distance dans un pays étranger. Mais une demande d’autorisation de travail peut être requise avant le départ du salarié (le caractère obligatoire de cette formalité dépend de la nationalité du salarié et du pays d’accueil).
Quelles sont les règles applicables : le droit français ou le droit du pays où le salarié télétravaille ?
[Maurizia Carletti] Les deux, en fonction du champ d’application. Il faut effectivement respecter ce qui prévaut entre la loi française et celle du pays d’accueil.
En matière de droit du travail et quelles que soient les dispositions contractuelles, ce sont les règles d’ordre public du pays où le salarié exerce réellement son activité, c’est-à-dire son domicile, qui devront être appliquées (salaire minimum, durée de travail…). Sur ces règles d’ordre public, c’est donc le droit du pays d’accueil qui s’applique.
Concernant la sécurité sociale, en principe les règles sont d’application territoriale. Sauf dérogations spécifiques, le salarié en télétravail depuis l’étranger relève du régime de sécurité sociale du pays à partir duquel il travaille et cesse de relever du régime français.
Chaque cas particulier devra faire l’objet d’une étude préalable afin de déterminer précisément les règles applicables.
Quelles sont les conséquences opérationnelles pour l’employeur ?
[Maurizia Carletti] Si la tendance de faire télétravailler les salariés depuis l’étranger est devenue très populaire, nombreuses sont les conséquences à prendre en compte afin d’encadrer au mieux cette pratique avant la prise de décision opérationnelle, comme :
- vérifier que les contrats de frais de santé et prévoyance couvrent bien le télétravailleur en cas de maladie ou d’accident de travail survenus à l’étranger,
- prévoir la prise en charge des frais de déplacements du salarié qui peuvent être fortement impactés par l’éloignement du lieu de travail,
- anticiper d’éventuelles conditions de rapatriement,
- assurer l’égalité de traitement du télétravailleur à l’étranger avec ses collègues,
- vérifier la fiscalité applicable au salarié en télétravail depuis l’étranger,
- vérifier s’il est nécessaire de constituer un établissement dans le pays étranger, …
Avez-vous un exemple pour illustrer votre propos ?
[Maurizia Carletti] J’ai dû récemment accompagner un client pour lequel un salarié exerçait son travail depuis son domicile situé à l’étranger et avait été victime d’un accident de travail. La Sécurité sociale française a refusé de prendre en charge le salarié au motif que celui-ci devait être affilié et donc cotiser auprès des organismes du pays dans lequel il exerce géographiquement ses fonctions. Les problématiques rencontrées peuvent être les mêmes en matière de droit à retraite par exemple.
Et concernant la santé du salarié et ses conditions de travail ?
[Maurizia Carletti] Il faut savoir que l’employeur reste responsable de la santé et la sécurité du salarié, même lorsqu’il travaille à l’étranger. Il devra prendre toutes les mesures pour garantir le respect des conditions de travail dans le pays étranger, je pense notamment à la conformité du logement, la sécurité informatique, l’adaptation et l’entretien du matériel informatique, le droit à la déconnexion… Il est important de vérifier la couverture de l’entreprise en termes d’assurance.