28 Nov 2024

DOSSIER JURIDIQUE – Le mineur non émancipé, associé d’une société civile

La participation d’un enfant mineur (non émancipé) au capital d’une société peut intervenir, dans la majorité des cas :

  • soit lors du règlement d’une succession en sa qualité d’héritier,
  • soit par anticipation dans l’objectif de transmettre le patrimoine familial, notamment par voie de donation.

Précisons qu’un mineur non émancipé ne pouvant pas avoir la qualité de commerçant, n’est en conséquence pas autorisé à être associé d’une SNC, ou associé commandité de SCS ou SCA.

En revanche, il est autorisé à intégrer le capital d’une société dans laquelle les associés n’ont pas la qualité de commerçant. Un mineur pourra donc être associé d’une SARL, SAS, ou SA, dans laquelle les associés ont une responsabilité limitée à leurs apports.

Il est également autorisé à être associé dans une société civile (type société civile immobilière -SCI), hypothèse que nous retiendrons pour rappeler quelques principes fondamentaux à prendre en compte avant de faire le choix de l’intégrer au capital.

 

La responsabilité des associés de SCI

La responsabilité des associés de SCI est dite indéfinie et non solidaire. Autrement dit, l’associé d’une SCI est responsable des dettes de la société sur son patrimoine personnel proportionnellement à sa quotepart de capital social.

Un mineur associé à 20% est personnellement engagé à hauteur de 20% des dettes de la société en cas de défaillance.

Une attention particulière devra donc être portée à une SCI dont le patrimoine immobilier est financé par un emprunt bancaire significatif.

 

La représentation du mineur par ses parents

Un mineur n’est pas en capacité de s’engager personnellement en qualité d’associé ; il sera représenté par ses parents.

Lorsque l’autorité parentale est exercée en commun par ses deux parents, chacun d’eux est administrateur légal de l’enfant mineur.
Ils sont habilités à prendre, l’un sans l’autre, les décisions concernant la gestion de ses biens, à l’exception des actes impactant de manière importante le patrimoine de l’enfant pour lesquels l’accord des deux parents s’impose.

Dès lors, la situation peut rapidement s’avérer délicate en cas de désaccord entre les deux parents quant à la protection des intérêts de l’enfant mineur.
Afin de prévenir d’éventuels conflits, il est donc recommandé d’obtenir systématiquement l’accord écrit des deux parents quelle que soit la décision à prendre.

Cette précaution est indispensable dès la création de la société. En effet, la souscription de parts sociales, même au moyen d’apports modestes, peut avoir de lourdes conséquences patrimoniales pour un mineur associé d’une SCI. Ce sera particulièrement le cas pour une SCI qui finance un investissement immobilier par emprunt bancaire. La même prudence est conseillée lors de l’achat ou de la revente des parts sociales de l’enfant.

La cohésion des deux parents est indispensable jusqu’à la majorité de l’enfant, afin d’exprimer d’une seule voix le vote du mineur quelle que soit la nature de la décision soumise aux associés.

 

L’intervention du juge des contentieux de la protection (anciennement juge des tutelles)

Le juge sera amené à intervenir dans plusieurs cas de figure. Lorsque les intérêts d’un des deux parents sont en opposition avec ceux de l’enfant mineur, le juge peut autoriser l’autre parent à représenter le mineur pour un ou plusieurs actes déterminés.

De même, lorsque l’accord des deux parents s’impose pour prendre une décision au nom de l’enfant mineur, et qu’ils sont en désaccord, la décision doit être autorisée par le juge.

Dans tous les cas, le juge peut être amené à se prononcer sur un acte grave accompli au nom du mineur.

Il peut, s’il l’estime indispensable à la sauvegarde des intérêts de l’enfant, décider qu’une décision doit être soumise à son autorisation préalable.

Pour prendre sa décision, le juge tient compte notamment de la composition ou la valeur du patrimoine, l’âge du mineur ou sa situation familiale. L’autorisation préalable du juge peut être requise par les parents ou l’un d’eux, le ministère public ou toute personne ayant connaissance d’actes ou omissions qui compromettent manifestement et substantiellement les intérêts patrimoniaux du mineur ou d’une situation de nature à porter un préjudice grave à ceux-ci.

 

En conclusion

Bien qu’il s’agisse d’un outil de transmission, l’intégration d’un mineur non émancipé au capital d’une société civile nécessite par conséquent une étude au cas par cas imposant une réflexion très prudente au regard des risques que cela implique.

Rappelons également que l’intervention d’un mineur non émancipé au capital d’une société peut, à défaut de résulter d’une situation souhaitée, être subie, suite, par exemple, au décès de l’un des parents. En pareille hypothèse, il sera représenté par le parent survivant qui exercera seul les droits attribués aux deux représentants légaux, avec les mêmes limites exposées ci-dessus.

En cas de décès de ses deux parents, le mineur sera représenté par un tuteur, lequel pourra accomplir seul uniquement les actes d’administration au nom de l’enfant mineur. Il devra en revanche être préalablement autorisé par le conseil de famille, et à défaut par le juge, pour signer toute décision plus lourde de conséquences pour le mineur, par exemple à travers le vote de certaines décisions extraordinaires en assemblée générale.

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